BILLIONS OF PEOPLE, JUST LIVING OUT THEIR LIVES… OBLIVIOUS.
Pour faire un film, il vous faut une idée. Une idée issue de votre réalité physique évoluant dans un Univers à quatre dimensions (les trois de l’espace et une du temps). Ce peut être aussi une idée qui vous travaille les neurones depuis des lustres dans vos différentes discussions avec vos proches. Cette idée peut être aussi la rémanence d’un imaginaire collectif que vous souhaitez matérialiser dans une œuvre de fiction dans l’objectif d’expier un trauma ou encore pour dire une vérité. Et une fois que vous avez cette idée, et pour la garder vivante. Il vous faudra, et à défaut d’avoir suivi des cours en écriture de scénarios, vous poser au minimum ces quelques questions essentielles à savoir : « Qu’est-ce que je veux raconter » ? « Comment vais-je raconter cette histoire » ? Et enfin, « Pourquoi je veux raconter cette histoire plutôt qu’une autre » ? Par le prisme d’un long et magnifique processus d’écriture vous aurez l’obligation de développer votre idée en une histoire avec plus ou moins de cohérence, de clarté, de précision sur la base de plusieurs premiers jets où les erreurs, les égarements, les aléas de ce travail d’écriture, les frustrations, la recherche et l’inspiration viendront vous cisailler les synapses dès que vous aurez pensé avoir franchi une des nombreuses étapes de l’exercice. Surtout, ne paniquez pas. Les itérations sont en abondance dans la nature. Néo dans Matrix, Luke Skywalker dans Star Wars, Jésus pour les chrétiens et Manuel dans Gouverneurs de la Rosée, etc.
Quand on essaie de se convaincre qu’on sait jouer
WELCOME TO THE BADLANDS
Mais avant de vous embourber dans des carrefours infestés d’inconnus qui se la racontent en faisant la mariole avec une caméra haute définition, des spots d’éclairage venus tout droit des cauchemars d’un nouveau papa en couche-culotte à qui on balancerait les fruits de son enfer, sachez que vous êtes par-dessus tout tenu de répondre à l’épineuse question de « Comment écrit-on une histoire/scénario » ? Et si dans le doute vous pinaillez dans l’exercice ou encore si vous avez la flemme face à la magnifique page blanche qui se dresse entre vous et votre sujet à raconter parce que vous n’avez pas ne serait-ce que l’ombre d’un élément de réponse à ces questions énoncées plus haut. Alors, votre salut de scénariste en herbe se fera très certainement acheter par un consortium de débiles sous amphétamines qui vous feront à coup sûr morfler votre race avant de pouvoir accomplir la tâche que vous vous êtes confiée qui est d’écrire ne serait-ce que la plus insignifiante ligne de dialogue ou encore agencer quelques indices sur la qualité de votre mise en scène qui sera, elle aussi, bien triturée.
Vous devez savoir que même l’idée la plus simple au monde, pour être développée en une bonne histoire, doit passer par la case de quelques procédés narratifs/techniques qui nous invitent de but en blanc à comprendre que l’on écrit généralement une histoire en sachant à peu près où on veut aller. Car, toute nouvelle et révolutionnaire que puisse être votre idée, n’oubliez pas que même la plus originale des histoires réassemble à l’infini les mêmes désirs de gloire, les peines refoulées, les parcours du combattant, les joies et peines, représentées dans un document narratif et visuel que l’on nomme scénario/script agencé avec un point de vue qui lui donnera du sens. Pour ce faire donc, il vous faudra vous familiariser aux bases de l’écriture de scénarios dont la garantie structurelle très bien édifiée vous conduira à transformer votre idée en quelque chose de concret en suivant des règles comme la composition dramatique de vos scènes, la gestion de la tension, la direction de l’action, les dialogues des personnages, la description de votre mise en scène, les indices visuels pour vous repérer dans l’espace et dans le temps, la progression dramatique de votre histoire et de celle de chacun de vos personnages. Leurs différents questionnements intérieurs, leurs doutes ou crises existentielles. Leurs relations avec d’autres personnages dans l’intrigue, le traitement des enjeux, l’ambiance globale, etc. Parce qu’un scénario écrit, retranscrit efficacement l’idée fonctionnelle de l’histoire qu’on souhaite raconter, reste à ce jour le meilleur support de base dont on se sert pour arriver à donner vie et de l’intérêt à son projet de film.
Mais tu vas arrêter de sourire Mariane !
WINTER’S ALREADY HERE, DARLING !
Pour les besoins de cette critique, on va s’attarder sur le fameux concept de promesses narratives. Raconter une histoire c’est lancer des promesses, tout un tas de promesses qui doivent prendre différentes formes au sein de notre intrigue. Ça peut être autour d’un lieu, d’un objet, d’un personnage. Mais plus largement, chaque enjeu posé par un(e) auteur(e) est une promesse envers son audience. Plus l’enjeu est élevé, plus la promesse est grande. Donc, plus l’attente du public sera forte. Il faut que le paiement de la promesse soit à la hauteur de cette attente sinon le public risque d’être déçu. Comme l’a dit le célèbre dramaturge russe Anton Tchekhov : « Il ne faut jamais placer un fusil chargé sur scène s’il ne va pas être utilisé ». Parce que c’est très mal de faire des promesses que l’on n’a pas l’intention de tenir. Par exemple, dans les films Incendies de Denis Villeneuve et Cloud Atlas des sœurs Wachowski, on attire très tôt notre attention sur une marque de naissance portée par l’un des personnages. En faisant cela, la narration des deux films nous promet implicitement que l’on va découvrir en temps et lieu la portée de ces marques et de leur importance pour le reste des deux histoires respectives. Et effectivement, ces marques se révèlent être les symboles de grosses révélations dans les deux films. Surtout pour ce qui est de la mise en scène de Villeneuve.
Imaginons un instant que même après nous avoir parlé de ces marques, les deux films se choisissaient de ne pas nous donner le paiement. On aurait, comme spectateur ressenti à juste titre, pas mal de frustrations. N’est-ce pas ? Par corollaire, quand on fait des promesses à son audience, il vaut mieux les tenir.
Maintenant qu’on a dit ça, voyons ce que cela peut apporter comme construction dans un récit lorsque l’on décide de briser les promesses que l’on y a faites. Parce que ce n’est pas si mal que ça de briser une promesse narrative. Au contraire, c’est même un très bon moyen d’amener une histoire dans une direction inattendue sachant que cela ne fonctionne qu’à une seule condition. Il faut donner aux spectateurs quelque chose de plus intéressant à se mettre sous la dent que ce que la promesse leur promettait initialement. Il faut qu’ils aient l’impression que briser cette promesse était nécessaire pour avoir une meilleure histoire. Illustrons ce cas de figure par l’adaptation en film du célèbre roman de science-fiction de Herbert George Wells « La Guerre des mondes », publié en 1898 que tonton Spielberg a réalisé pour le grand écran en 2005 avec Tom Cruise en père has-been. Dès l’introduction, et n’ayant au préalable rien vu ou lu sur le roman ou sur la communication du film, on tombe assez vite logiquement dans le panneau quand le génie de Steven arrive à nous faire croire que l’on va simplement suivre une banale histoire sur une famille dysfonctionnelle pour finir par briser cette promesse et nous propulser dans un récit aux enjeux bien plus intimes auréolés d’un conflit avec des êtres (venus d’ailleurs) et dépassant l’entendement de cette famille qui va devoir tout faire pour subsister dans cette guerre dont l’uchronie fait directement écho aux attentats du 11 septembre 2001 au pays de l’oncle Sam.
S’il vous faut vous en aller avec toute la crémerie, vous devez aussi savoir que dès la première saison de la série à succès Game of Thrones, les showrunners David Benioff et DB Weiss ont magistralement brisé leur première promesse en décidant de tuer sous les regards ébahis des spectateurs, le personnage Ned Stark incarné par Sean Bean pour permettre à la série de prendre son envol dramatique, enfermant ainsi le public dans un délicieux supplice de Tantale.
Allô, non mais allô quoi ?! !
LES SEIGNEUR DES GUIGNOLS SONT DANS LA PLACE. FAITES PLACE !
Les bases posées, les petits plats sont mis dans les grands (après tout, pourquoi pas ?), intéressons-nous l’espace d’un cillement à l’absence de prouesses narratives d’une œuvre cinématographique de chez nous. Parlons de That Night. Manifestement, cet odieux court-métrage sorti en live streaming sur Facebook en date du 20 juillet 2020 avec comme host le non moins célèbre Carel Pèdre, décidément le pitre indélébile de tout ce qui est culture dans ce pays (mon dieu, comme il y a des problèmes qui nous tombent dessus) déboulonnent une narration puérile en faisant intervenir de grossiers flashbacks, de faux raccords en tout genre. D’absence sur la continuité narrative et des téléportations ou sauts quantiques en tout genre qui fait exploser toute logique au paradoxe EPR dans le cheminement des actions fantômes à distance que contient le film. Le tout sur pas moins de quatorze minutes de film. Tout ça pour raconter une banale virée en boîte qui a mal tournée. Mais contextualisons d’abord.
Écrit par Yvens Pierre avec à la réalisation le non moins nepo baby Jean Paul Laraque, fils de… That Night caricature au plus près du zéro absolu l’histoire de deux mecs banals campés pour le premier par le très kitsch Soluny Jean en compagnie du définitivement ringard de seconde zone, Grégory Jean Philippe (le sidekick du pauvre) pour le deuxième, avec en renforts féminins deux personnages largués mais surtout dopés au cortisol interprétés par une Clara-Luce Lafond qui passe d’une scène à l’autre en jouant à la chaudasse qui se la raconte à la nana en manque d’affection. Et enfin, une Ayide Borges qui vient confirmer que l’on peut vraiment faire pire que Agwe et Fréda réunis en terme de jeu d’acteur parce que, si la gent féminine n’est présente que pour servir de chair à canon à nos deux excités de la braguette susmentionnés, eux-mêmes se retrouvant dans l’incapacité de fournir le minimum syndical dans le grand boulevard des clichés dignement mit sur papier le scénariste du film que cela résonne comme un doux euphémisme de dire que Christopher Nolan caractérise toujours ses personnages féminins avec la grâce d’un lamantin en descente de white spirit dans le désert envoutant du Nouveau-Mexique. Et la narration dans tout ça ?
- Va-t-on sexualiser des meufs, That Night?
- Hold my beer !
C’EST SPOILER(S) LE COUPABLE !
Un film écrit ou pas, a presque toujours pour note d’intention visuelle son premier plan ou sa première réplique qui doit normalement poser le ton de l’histoire qui va se dérouler. Mais hélas, quand on passe sa vie à faire des clips vidéo décérébrés pour gagner sa vie sans réellement se soucier de développer un discours ou un regard critique sur son propre travail, on se retrouve comme ses congénères dans le forcing esthétique. Et c’est là le premier gros défaut de That Night parce que, dès la première image du film, on constate assez vite que la narration n’est pas là pour nous inviter à cueillir des roses, mais plutôt pour nous imposer la consommation d’une grosse daube à l’instar de l’absence d’expression de la caméra et de la musique qui trahit volontiers le procédé tout en lançant de vifs signaux de détresse à notre subconscient pour lui rappeler que nos yeux et notre cerveau sont de magnifiques outils qu’il faut absolument protéger face à des assauts répétés de tant d’inepties visuelles utilisant systématiquement des images typiques de la photo retravaillée à grands coups de clé chromatique dans la gueule, de calques d’effets de plus en plus sombres et au bord du suicide numérique via un montage à la vitesse d’exécution aussi grognasse qu’une émo ou gothique feignant d’encadrer des personnages d’une blancheur diaphane sur des fonds aussi noirs que les méandres du cerveau d’une Millie Bobby Brown.
L’autre gros problème de ce sous-produit de thriller en coma artificiel se trouve dans le fait qu’ils (le scénariste et le réalisateur) se sont tellement tués à la tâche de ne carrément pas travailler leur narration qu’ils ne se rendent même pas compte à quel point leur mise en scène en pâtit exécrablement à joindre les deux bouts de cette histoire sans queue ni tête. Car, s’étant volontairement mis sous respirateur et n’arrivant surtout pas à produire un quelconque effort pour proposer quelque chose de visuellement créatif ou inspiré, That Night signe et persiste à ne pas honorer notre précieux temps de visionnage en décidant avec lourdeur de ne pas tenir sa promesse faite ab initio qui était que l’on allait finir par découvrir comment et pourquoi la soirée est-elle partie en cacahouète ou encore pourquoi le personnage de Soluny se la joue-t-il hébété au petit matin de son réveil en constatant que la magie du script est passée par là pour tronçonner subséquemment la narration en laissant traîner derrière un affreux problème de continuité avec du sang qui part et qui revient sur ses vêtements ? Doit-on espérer qu’on nous le dira dans la suite ? Baliverne !
N’ayant aucune conscience de ses fioritures, That Night se branle royalement des principes narratifs établis dans des textes fondateurs comme l’Anatomie du scénario de John Truby ou le Manuel pratique d’écriture de scénarios de Lewis Herman. Le film prend malicieusement la poudre d’escampette pour aller se vautrer sur du full frontal débilo-crétino-bourrino-maso des bas-fonds de la mémoire avec des effets visuels et un mixage sonore pour faire frissonner des midinettes fans de rabòday, alors qu’aux oreilles de n’importe quel humain sachant correctement utiliser son cerveau, est d’un ridicule consommé.
Et dire qu’une filiale de AyiboPost est à la production de ce navet !
ON VA TOUS MOURIR ? CARRÉMENT !
L’une des règles les plus absolues dans un film est que chaque élément qui le compose doit avoir un sens dans le grand ordre des choses. Péniblement, face à cette fâcheuse situation lunaire, cette débâcle venue d’outre-tombe ; on est en droit comme spectateur de se poser ces quelques questions. Que se sont-ils dit en voulant réaliser ce film ? Qu’ont-ils trouvé comme facilité synaptique en voulant raconter cette histoire qui, on se comprend bien ne saurait d’aucune façon casser trois pattes à un pauvre petit canard non enchaîné ? Est-il possible qu’il y ait ne serait-ce que l’ombre d’une poussière d’idées à l’exécution de cette œuvre inutilement nécessaire et grossièrement marquée ? Pourquoi le jeu d'acteur est-il aussi bêtement délivré ? Pourquoi ces lignes de dialogues si rageusement outrancières faisant la part belle à un humour basique malvenu et qui ne font pas du tout rire ? Pourquoi les décors sont-ils complètement à la bourre. Pourquoi cette piteuse mise en scène éclatée sujette à des mouvements de caméra qui peinent à donner vie à ce marasme visuel ? Pourquoi mettre sur pied une telle bouse artistique aussi dénuée de sens, de créativité, mais surtout d’âme ? Pourquoi la direction artistique de ce film s’obstine-t-elle à ce point à faire passer toute la filmographie de Jean-Gardy Bien-Aimé pour des enfants de chœur ? Et enfin, pourquoi la narration ne tient-elle pas ses promesses ?
Cela fait certes plein de pourquoi, mais doit-on vraiment continuer à penser que le vers doit encore rester assez longtemps dans le fruit avant que cette génération qui, désespérément espère regarder un bon film ait la possibilité d’activer son cerveau sans se demander si l’œuvre en question n’a pas atteint un nouveau sommet de nullité cinématographique. Il va nous falloir être patients. Et pour ceux qui souhaitent savoir ce que cela fait de regarder un film pondu par des nepo babies en mal de reconnaissance, en toute bonne conscience artistique ou critique ; si l’envie vous prend réellement de vouloir débuter dans le monde fabuleux du septième art, prenez garde. On ne saurait vous recommander le visionnage de That Night. Ce film va vous flinguer les neurones. Fuyez, pauvres fous !
Gaël Jean Baptiste
Paru le 27/03/2024
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