La quatrième édition du Festival du Livre

La quatrième édition du Festival du livre (les) Rencontres Philosophiques, Littéraires et Artistiques a attiré des passionnés de Philosophie, de Littérature et d'Art au Centre Culturel Pyepoudre les 08, 09 et 10 Dimanche 2023 derniers, sur l'invitation des Éditions Gouttes-Lettres. Cet événement a rassemblé les amoureux de la culture dans une belle atmosphère de fête, où les échanges intellectuels et les expressions artistiques ont été vivement célébrés.

Nous sommes en fin d’année (une fin d’année qui n’en avait pas trop l’air), en plein tumulte socio-politique, pire encore : au cœur d'une crise de la culture, pour emprunter les mots de Hannah Arendt. Les éditions Gouttes-lettres incarnent un acte de résistance face à cet abandon des voies de l'esprit. Ainsi, plusieurs stands/tables avaient eu le privilège béni d'abriter les armes de cette lutte contre la médiocrité, armes que sont les livres, issus de l'Édition de l'Université d'État d'Haïti, de Communication Plus et des Éditions Gouttes-lettres. Plusieurs centaines de titres étaient disponibles, a l'occasion. Cependant, à en croire les éditeurs/exposants, les ventes d'ouvrages, lors de ce grand festival du livre, n’étaient pas des plus satisfaisantes. Cette réalité soulève une question délicate : comment peut-on espérer un engouement plus large lorsque seule une fraction de la société semble y trouver un intérêt ? C'est une réflexion profonde sur la nature même des aspirations et des moyens disponibles. Nous sommes confrontés à la réalité du pouvoir d'achat de ce segment restreint de la société, ce qui soulève des questions sur la possibilité d'aspirations plus nobles. Dans un contexte où l'on s'engage dans des actes de résistance, la préférence pour des discours exigeants et éloignés de la facilité rend cette dynamique encore plus complexe.

Dans ce même souffle de discours qui défie la facilité, les invités d'honneur de cette édition du Festival nous ont emmenés vers des horizons nouveaux : Anaïse Chavenet, Jean Waddimir Gustinvil et Sterlin ULYSSE.

Le premier jour, soit le 08 décembre 2023, le philosophe Jean Waddimir Gustinvil avait signé pour le public quelques exemplaires de son tout premier livre, intitulé "Révolution servile et l'énigme du retour", avant que de faire son intervention, tant attendue et qui avait suscité un débat passionné, sur le thème même de cette quatrième édition du festival « (Dé)colonialité et Modernité : l’humanité en question ». Les idées concernant la nature humaine, l'émancipation et d'autres sujets allaient bon train. Et le professeur Gustinvil, directeur du laboratoire LADIREP, avec l’éloquence et la fougue qu’on lui reconnait, avait suscité l’admiration de son auditoire, qui d’ailleurs en est sorti édifié et ravi.

En ce qui a trait à Anaïse Chavenet, distributrice et présidente de Communication Plus S. A., elle était accompagnée de Dinadler Pierre, une étudiante en philosophie à l'ENS, qui assurait le rôle de modératrice. Leur sujet de discussion ? "La diffusion des livres en Haïti : Problèmes et perspectives". Avec finesse, Mme Chavenet avait évoqué les obstacles liés à la distribution des livres tout en plaidant pour la nécessité d'instaurer des mécanismes régulateurs du marché du livre, incluant une politique publique robuste, une législation plus riche en droits d'auteur, et des modalités concrètes pour faire respecter les règles régissant ce domaine. Aucun artifice ne pouvait dissimuler l'enthousiasme rayonnant sur les visages des auditeurs, captivés par l'éloquence de Mme Chavenet, en ce matin de samedi.

Le jour suivant, Mirline Darrelus, étudiante mémorande en Philosophie à l'ENS et bénéficiaire de la première édition de la Résidence de création littéraire et artistique des Éditions Gouttes-Lettres, avait offert au public (dans le cadre d’une Conférence-Restitution de résidence) le fruit de son travail élaboré lors de cette résidence. Sa conférence, intitulée "La condition féminine au regard de la théorie contractualiste de John Locke", titre éponyme de son travail de mémoire de sortie à l’ENS, a engendré une vive discussion entre l'intervenante et l'auditoire, explorant ce qu'elle qualifie de lecture féministe de John Locke. C'était la fête de l’esprit ! et c’est là incontestablement une démonstration de la résistance intellectuelle incarnée par ce festival du livre, où, malgré les problèmes liés à l’insécurité qui ronge les âmes au pays, des jeunes se réunissent pour échanger sur les livres, pour réfléchir, pour s'adonner aux délices de l'esprit.

Par ailleurs, conscient que l'esprit humain ne se limite pas à la rigueur conceptuelle, mais qu'il demande également son lot de divertissements, le staff des Éditions Gouttes-Lettres a eu l'idée d'offrir un concert pour clôturer cette 4ème édition du festival. Sur scène se sont succédés les artistes Valben, Shelo Pleb Music et Ricardo Exavier.

Valben, compositeur et interprète des morceaux "Dezole" et "Lanmou sa", disponibles sur Youtube, a su charmer l'auditoire féminin avec ses regards enjôleurs et ses gestes romantiques, tout en offrant à tous une volupté musicale. Shelo Pleb Music, rappeur et slameur bien connu dans les cercles culturels pour ses textes décrivant la contemporanéité sous toutes ses facettes, notamment avec son titre "Génération lol", a une fois de plus peint, à travers ses mots, la réalité haïtienne avec une touche de réflexion et de détente. Ensuite, Ricardo Exavier, une voix virtuose et prometteuse, a contribué à l'extase de l'ambiance, et tour à tour, les artistes ont suscité les acclamations des spectateurs.

Le Festival des rencontres philosophiques, littéraires et artistiques, le plus grand rendez-vous littéraire de fin d’année en Haïti, entre vente d'ouvrages, séances de dédicaces, conférences et performances artistiques, a le potentiel de devenir un patrimoine culturel dans le pays. En mettant en lumière les brillants esprits haïtiens à travers leurs écrits et leurs prises de parole, et en offrant une scène aux jeunes artistes pour exprimer leur talent en toute quiétude, il ouvre les portes à un dialogue enrichissant et à une célébration de la créativité et de la pensée.

John Marckley S. Janvier, étudiant en Philosophie (ENS/UEH)